Jazz à Couches suit le parcours artistique de Benoît Keller où le compositeur témoigne notamment de son attachement aux révoltes populaires survenues au cours du XXe siècle. Dès lors, qu’Explicit Liber s’ouvre à Mai 68 (sans oublier de glisser d’autres protestations non hexagonales) tient d’une cohérence esthétique qu’on ne saurait réduire à une banale opportunité liée à un cinquantenaire. Explicit Liber ne peut pas non plus être un concert nostalgique puisqu’on est en présence de trois musiciens nés dans la décennie 1970.
Dans le continuum musical d’une forte puissance évocatrice, avec ses effets électroniques bien intégrés, tout comme le sont les instruments baroque et oriental, chacun est en quasi permanente position de soliste. Il y a du cri, de la fureur, de la rigueur, de la confusion, du tapage, de la ruée, de la rémission du songe, du calme avant une nouvelle tempête bref : de l’impétuosité à l’œuvre.
Associées à la musique des actualités sonores tournent sur des magnétophones à bande que Benoît Keller fait entrer par bribes aléatoires dans le cours des improvisations. Par une inversion des fonctions, Mai 68 compose la B. O. du concert.
Explicit liber, soit : le livre est fini. Une page tournée ? Benoît Keller, Aymeric Descharrières et Denis Desbrières n’en pensent apparemment pas une note et rappellent cette expression poétique née de ce mois de mai là, au prix d’une substitution : sous les pavés le Jazz.
Michel Puhl
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